8 mars héroïnes dauphinoises
Hommage aux héroïnes dauphinoises de la Résistance
Jeudi 8 mars 2018 – 10h30
Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, a eu lieu au Mur du Souvenir, Place de la Résistance à Grenoble la traditionnelle cérémonie célébrant les Résistantes qui en Isère prirent part aux combats et à la libération du territoire durant la seconde guerre mondiale. Cette année, 200 enfants de l'école primaire Lucie Aubrac, accompagnés de leurs enseignants, ont participé à la cérémonie. Les élèves de CM1 ont écrit un texte sur Lucie Aubrac, ceux de CM2 un texte sur les femmes dans la Résistance. Ils ont récité, à tour de rôle, chaque phrase des textes avec beaucoup d'émotion. D'autres enfants de CM2 ont récité le beau texte de Marianne COHN " Je trahirai demain". Avant le dépôt des gerbes, ils ont, avec un chef d'orchestre interprété le Chant des Partisans. Ils conclurent, après la Sonnerie aux Morts et la Minute de silence, la cérémonie par la Marseillaise. L'assistance nombreuse, qui a accompagné l'hymne national, a été très touchée par la présence de ces jeunes qui ont, sans erreur et malgré l'ambiance solennelle certainement un peu impressionnante pour eux, réalisé une magnifique prestation. Bravo et merci à eux et à leurs enseignants. Au cours de la cérémonie, allocution de Martine Peters, Présidente de l'ANACR puis d'Eric Piolle, Maire de Grenoble. On notait, entre autres, la présence de Violaine Demaret Sous-préfète, Nathalie Beranger Conseillère Régionale, Catherine Kamowski député, Annie David ancienne Sénatrice, le Colonel représentant le Général de la 27e BIM, des membres des associations d'Anciens combattants, dont l'ANACR, leurs portes drapeaux.
Eric Piolle, Maire de Grenoble : intervention
Madame la Secrétaire générale de la Préfecture Violaine DEMARET
Madame la Conseillère régionale Nathalie BERANGER
Madame la Présidente de l'ANACR Martine PETERS
Mesdames et Messieurs
Chers élèves et enseignants de l'école Lucie AubracJe suis heureux que nous soyons si nombreux rassemblés aujourd'hui place de la Résistance, avec autant d'enfants de l'école Lucie Aubrac présents pour cette occasion particulière. En cette journée internationale des droits des femmes, ensemble, nous voulons mettre dans la lumière toutes celles que l'on a appelé « les femmes de l'ombre ». Dans l'ombre de notre histoire, mais aussi dans l'ombre de notre mémoire. L'histoire, sur bien des sujets, s'écrit encore trop souvent au masculin. En ce début de 21e siècle, regarder l'histoire avec justice, c'est ne pas se limiter aux grands hommes, c'est rendre toute leur place aux femmes, qu'elles soient anonymes ou célèbres. Il y a encore du chemin, nous avançons ! Ici, avec vous, ce matin de mars, je veux rendre hommages à ELLES, à TOUTES CELLES, à VOUS TOUTES qui avez fait notre pays, notre ville, vous qui êtes trop souvent dans le silence et dans l'ombre de l'histoire.
Ces femmes remarquables, ce sont aussi celles qui ont été Résistantes pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles étaient parfois institutrices, ouvrières ou commerçantes. D'autres étaient femmes au foyer, artistes ou agricultrices. Peu importe leur métier, peu importe si elles étaient riches ou pauvres, toutes un jour ont décidé de résister contre le nazisme.
Je pense que les enfants, vous savez ce qu'ont fait ces Résistantes ?Certaines ont caché des Juifs, des enfants et des adultes, ou bien d'autres Résistants. Elles les ont soignés, nourris en cachette. Certaines ont fabriqué de faux papiers. D'autres ont écrit des articles en secret, pour diffuser les idées de la Résistance. D'autres encore ont combattu les Nazis avec des armes.
Toutes ces femmes ont pris des risques immenses, vous le savez. D'ailleurs elles-mêmes le savaient aussi. Elles savaient qu'entrer dans la Résistance, c'était prendre le risque d'être arrêtées, torturées, parfois déportées et tuées. Et pourtant, avec un très grand courage, elles ont fait ce choix-là.
On connait aujourd'hui le nom de quelques-unes de ces Résistantes. Je sais que vous connaissez Lucie AUBRAC en particulier, puisque votre école porte son nom. Elle a été une grande Résistante notamment à Lyon. Vous en connaissez peut-être d'autres aussi, de Grenoble et des environs, même si toutes ne sont pas aussi célèbres. Toutes n'ont pas leur nom dans les livres d'histoire, ni d'ailleurs sur les plaques de nos rues ou sur les écoles de la ville. Elles sont nombreuses à être restées discrètes sur leur engagement.
Alors aujourd'hui, je veux citer le nom de quelques-unes de ces Résistantes, pour leur rendre hommage.
L'une d'entre elles s'appelait Marie REYNOARD. Elle était professeure au lycée Stendhal à Grenoble. Elle a réalisé des actions de sabotage, elle a transmis des messages secrets, en changeant plusieurs fois de nom. Elle est morte au camp de Ravensbrück, après avoir été mordue par un chien lancé contre elle par les gardes du camp.
Je veux citer le nom de Paulette JACQUIER, dite Marie-Jeanne. Elle a créé un groupe de Résistants à La Frette, elle a mené des combats armés. Elle a été dénoncée aux Allemands par des miliciens, elle a réussi à échapper à la Gestapo avant d'être arrêtée et de réussir à s'échapper.
Je veux parler aussi de Gabrielle GENEVEY. Elle ne pouvait pas supporter la chasse aux Juifs et l'arrestation de familles entières. Alors elle a décidé de fabriquer des papiers pour la Résistance avec l'aide de son amie, secrétaire à la Mairie de La Tronche. Elle a prévenu aussi les familles pour qu'elles puissent fuir les arrestations. Elle a ainsi sauvé 1 500 personnes.
Je veux parler aussi de Simone LAGRANGE, qui a diffusé des tracts de la Résistance alors qu'elle était encore une enfant. Elle a été arrêtée et torturée à l'âge de 13 ans, puis déportée à Auschwitz-Birkeneau. Elle a survécu et a pu revenir en France. Pendant toute sa vie, elle s'est engagée pour que plus jamais de telles horreurs ne puissent arriver. Pour lui rendre hommage, nous venons de donner son nom à la toute nouvelle école qui vient d'ouvrir à Grenoble.
Et puis il y a eu aussi Marianne COHN, Rose VALLAND, Elise RIVET, Léa BLAIN, Louise COLLOMB, Marguerite GONNET... et de nombreuses autres femmes anonymes.
Ce qu'elles ont fait est exceptionnel. C'est d'autant plus exceptionnel que vous le savez les enfants, à cette époque, les femmes n'étaient pas encore reconnues comme des citoyennes à part entière, elles n'avaient pas encore le droit de vote ! Et pourtant elles ont prouvé qu'elles étaient capables de s'engager avec un très grand courage pour défendre ce que nous avons de plus précieux : la liberté.
Aujourd'hui, en ce 8 mars, nous pensons à ces femmes Résistantes. Nous pensons aussi à toutes les filles et les femmes qui se sont battues et qui se battent encore pour les droits, pour l'égalité et la liberté, à Grenoble, en France et partout dans le monde.
Les enfants, je sais que vous avez travaillé pour cette cérémonie, en préparant des lectures de textes et de poèmes, des chants. C'est une chose importante et pour cela en tant que Maire de Grenoble, je tiens à vous dire à chacune et chacun de vous : merci. Merci d'être ici aujourd'hui. Merci de rendre hommage à votre tour aux héroïnes de la Résistance, à leur courage, à leur sacrifice. Je souhaite que leur exemple nous donne la force de continuer à lutter nous aussi pour les valeurs de la République : la liberté, l'égalité et la fraternité. Je vous remercie.
Martine Peters, Présidente déléguée départementale de l'ANACR : intervention
La journée internationale des droits des Femmes est célébrée partout dans le monde le 8 mars. Née en 1909 de l'histoire des luttes féministes menées sur les continents européens et américain, c'est une journée mettant en avant la lutte pour les droits des femmes et notamment pour la réduction des inégalités par rapport aux hommes. En 1977, les Nations Unies officialisent la journée, invitant tous les pays de la planète à célébrer cette journée en faveur des droits des femmes.
Si l'ANACR, ainsi que l'amicale des FTPF et la FNDIRP, ont souhaité, depuis 2011, qu'en ce jour, une cérémonie soit organisée, avec la municipalité grenobloise, devant cette plaque, ce n'est pas anodin. En effet, qui mieux que les Résistantes incarnent la lutte des femmes pour leur émancipation, leurs droits, leurs revendications. Qui mieux que les Résistantes ont prouvé que le courage, l'engagement ne sont pas une histoire de sexe, de rang social, de nationalité, mais de convictions, d'idéaux, de valeurs. Qui mieux que les Résistantes ont, durant les années de guerre, prouvé qu'égales aux hommes, elles pouvaient combattre, vaincre et souvent mourir. Les femmes engagées dans le combat libérateur durant la Seconde guerre mondiale ont mené de terribles luttes pour la paix, la liberté, l'égalité, le respect de leur dignité, le droit de voter afin, ainsi, de participer à la création d'une société nouvelle voulue par les hommes du CNR, voulue par le peuple, pour le peuple. Le combat résistant des femmes, du plus modeste au plus glorieux, et hélas la déportation, conséquence tragique de leur engagement, que nombre d'entre elles subir, nous font obligation de transmettre leur mémoire. Et pourtant sur 1036 compagnons de la Libération, seules 6 femmes furent distinguées par le Général de Gaulle et reçurent la Croix de la Libération. En Isère, elles furent nombreuses à se lever et prendre leur place aux cotés des hommes. Pourtant peu ont reçu la reconnaissance qu'elles méritaient, peu ont laissé leurs noms dans notre historie dauphinoise. Il faudra bien, qu'un jour, soit gravée sur le marbre de nos villes, la mémoire de ces vaillantes. Il reste des rues, des places, des lieux à Grenoble et en Isère qui doivent porter les noms de celles que leur discrétion ont fait oublier. Les femmes qui choisirent de résister l'ont fait pour de multiples raisons, suivirent de multiples chemins, accomplissant de la plus humble à la plus dangereuse, les taches indispensables sans lesquelles, comme le disait le colonel Henri Rol Tanguy chef de l'insurrection parisienne, les Résistants n'auraient pas pu accomplir tout ce qu'ils ont fait. Les femmes résistantes n'ont écouté que leur conscience, elles ont joué un rôle déterminant pour le retour de la République.
Cette cérémonie, ce matin, revêt un caractère exceptionnel qui nous fait chaud au cœur. La présence d'enfants venus avec leurs enseignants témoigne que la mémoire reste vivante. Aux professeurs des écoles, dignes héritiers de ceux, qu'à mon époque, on appelait instituteurs, qui se sont investis pour motiver leurs élèves, nous voulons dire, avec chaleur et émotion, nos remerciements de les voir porter cet espoir que nous entretenons depuis tant d'années : que les résistantes dauphinoises ne soient pas reléguées en une ligne dans les livres d'histoires ou pire, oubliées, mais qu'elles restent un phare pour les générations qui viennent. A ces garçons et filles réunis, qui ont appris poèmes et chants pour tisser un lien avec leurs déjà lointaines ancêtres, nous disons un grand merci. Maintenant, ces petits enfants connaissent mieux les acteurs qui ont écrit les pages sombres mais aussi lumineuses de ce moment décisif de l'histoire. Ils vont devenir des ados et bien sur oublieront peu à peu, vivant au rythme de leurs préoccupations immédiates, mais nous voulons croire que la petite flamme citoyenne allumée aujourd'hui ne sera qu'endormie et que devenus, à leur tour, acteurs de leur vie et de celle de notre pays, ils la laisseront renaître, s'élever et briller pour réaffirmer que l'humain doit prévaloir. Ils se souviendront alors au détour d'une rue, en passant devant un monument, en lisant un livre, en voyant un film, de ces hommes, ces femmes qui, dans la première moitié du 20e siècle, lorsque les brouillards et les ténèbres envahissaient le monde ployant sous les bottes d'une horde de barbares, se sont engagés pour rendre à la France son honneur, rétablissant les valeurs nées de la Révolution française qui en ont fait le pays des droits de l'homme. Ils se rappelleront qu'un 8 mars de leur enfance, ils ont parcouru un bout de chemin avec ces résistants dont ils chantent aujourd'hui le Chant de combat.
Mais nous devons aussi les mettre en garde car le monde actuel n'est pas celui qu'espéraient les combattants, combattantes, membres des mouvements et réseaux de la Résistance, du CNR, des FFI, des FFL, les déportés n'ayant jamais cessé, même au plus noir du désespoir dans les camps nazis, de croire en l'être humain. Ils aspiraient à l'établissement de sociétés meilleures où le bonheur de tous prévaudrait sur le malheur, la souffrance, la misère. Nous voyons renaître les pires instincts et prospérer à nouveau la xénophobie, le racisme, l'épuration ethnique, le fanatisme religieux, l'intégrisme, l'antisémitisme, l'islamophobie, l'homophobie, toutes ces idées liberticides, parentes du fascisme, qui menacent les démocraties. Oubliant les leçons d'un passé de feu et de sang, dans de nombreux pays, les idées d'extrême droite s'ancrent à nouveau dans des parlements, des gouvernements et cela nous inquiète comme hier en Italie. Partout sur notre planète, sont mis à mal les principes d'égalité, de justice, de solidarité, de droit à la différence, d'accueil, de respect, de dignité humaine. Partout couvent des foyers de guerre, des vociférations guerrières s'élèvent, des régions entières subissent tirs de rocket, largage de bombes, destructions, populations massacrées. Ici dans notre pays si riche, si beau, des hommes, des femmes, des enfants vivent dans des conditions effroyables dans la rue, survivent grâce aux restos du cœur. La pauvreté s'étale sous nos yeux, à nos portes, à nos cœurs ou ce qui est encore pire, derrière les murs lézardés de nos villes, nos campagnes. Et tant de nos concitoyens vivent avec la crainte du lendemain, tant de femmes se voient soumises à des violences, sont privées de leurs droits essentiels. Où sont passées les valeurs de la Résistance et l'espérance de Louis Aragon qu'un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange.
Alors demain, ces enfants qui sont notre futur, devront eux aussi s'indigner, se mobiliser, s'engager, résister parce que vivre à genoux n'est pas vivre, ils devront eux aussi comme nos glorieuses Résistantes, prendre leurs destins en main, refuser l'inacceptable, faire valoir leurs droits, ceux des hommes et des femmes confondus, les droits inaliénables de l'humanité.
Et pour les enfants qui tiennent notre avenir dans leurs mains voici quelques mots admirables de Jean Ferrat
Picasso tient le monde au bout de sa palette
Des lèvres d'Éluard s'envolent des colombes
Ils n'en finissent pas tes artistes prophètes
De dire qu'il est temps que le malheur succombe
Ma France