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A.N.A.C.R. ISERE
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  • blog d'information relayant les activités de la section isèroise de L'Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance. 64 rue Ampère - 38000 Grenoble Tél : 04 76 47 04 49 / Fax : 04 76 47 43 21
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20 juillet 2015

Cérémonie en hommage à Antoine Polotti et Marco Lipszyc Fontaine

 

16 Mai 2015 - Cérémonie  à Fontaine - 22 Avenue Jean Jaurès

 Intervention de Martine Peters, Présidente déléguée de l'ANACR Isère

Antoine Polotti, Marco Lypszyc, ces noms résonnent une fois encore dans cette rue ordinaire et calme de Fontaine.

Antoine Polotti, Marco Lypszyc nous réunissent une fois encore devant cette plaque qui rappelle que le 17 mai 1944, ils tombèrent sous les balles ennemies. 71 ans se sont écoulés, leurs visages ne sont plus que des photos aux tons fanés, leur histoire s’éloigne et si parfois des passants remarquent cette plaque, ils se demandent surement ce que pouvaient avoir fait ces hommes dont le marbre conserve une discrète empreinte.

Quelques mots banals répétés de mois de mai en mois de mai ne peuvent retracer tout leur parcours exceptionnel, mais nous leur devons, cependant, en évoquant leurs derniers moments dans ce coin de Fontaine d’évoquer leur vie ailleurs, en parlant d’eux de parler de tous les autres. Antoine Polotti - Georges, Marco Lypszyc-Lenoir, étaient d’authentiques héros et pourtant rien ou presque ne marque leur souvenir en Isère. Cette  plaque et une rue Polotti à Fontaine, tout près d’ici et une autre  à Grenoble près du cours Berriat, pour Marco Lypszyc nulle trace. Il nous faut œuvre à changer cela. C’est pour lutter contre l’oubli qui menace la mémoire de ces deux magnifiques combattants, quand nous, les vieux et un peu moins vieux ne serons plus là, qu’au delà de la commémoration annuelle convenue, il est indispensable, par un véritable travail militant de transmettre aux plus jeunes, ce que fut leur combat, ce que fut la Résistance, ses valeurs, son héritage. La mémoire est un enjeu idéologique, un combat qu’il faut mener sans concession, sans transiger, sans compromission afin de forger la conscience des citoyens d’aujourd’hui mais surtout de demain.

 Est-ce dans leur parcours, presque identique, que se cachent les raisons de l’ostracisme qu’ils subissent depuis 71 ans ? Est-ce parce que, très tôt, confrontés dans leurs patries respectives au fascisme, ils deviennent naturellement communistes et participent aux luttes politiques et syndicales ? Parce qu’ils sont étrangers, exilés en France, Antoine Polotti, Italien, a fuit avec ses parents, l’Italie des chemises noires de Mussolini et atterrit à Longwy, Marco Lypszyc, juif, fuyant sa Pologne natale aux mains des colonels fascistes et antisémites, se retrouve seul à Paris ? Ou parce que, parmi les résistants, ils furent de ceux qui se levèrent à l’aube du combat, ayant compris plus vite que beaucoup le danger du nazisme ?

Ils sont morts jeunes, n’ont pas eu le temps de raconter, de  construire, de transmettre leurs actions, leurs raisons, leurs engagements, particulièrement avant guerre. On  sait finalement peu de choses d’eux, il reste des pans mystérieux, d’où l’intérêt du travail des historiens et des livres comme celui sur Marco Lypszyc que vient d’écrire Claude Collin enrichi des recherches entreprises par la petite fille de Marco. Et combien d’autres résistants et Résistantes mériteraient de tels ouvrages.

 En 1937, ils s’engagent dans les héroïques brigades internationales pour défendre la République Espagnole qui plie sous les coups des rebelles putschistes de Franco et des avions de l’armée nazie qui à Guernica, sur cette terre rougie du sang mêlé des combattants et des civils effectuent leurs premiers raids, prémices à leurs exactions  durant la seconde guerre mondiale. C’est là sur cette terre martyre  qu’Antoine et Marco se rencontrent. Ils vivront l’épopée des brigades qui s’achève à l’automne 1938, quand devant 30 milles personnes, à Barcelone, les brigadistes, la mort dans  l’âme d’abandonner le combat, défilent, salués par Dolores Ibarruri, la Pasionaria

De retour en France, la Meurthe et Moselle pour Antoine et la direction fédérale du PCF, Grenoble pour Marco qui est revenu lui à l’été 1938 pour  soigner sa santé chancelante à l’air pur de nos montagnes. Mobilisés en 1939 sous l’uniforme français ils  recevront pour leurs actes de bravoure la Croix de guerre.

Après la honteuse capitulation de Pétain, refusant la défaite, l’occupation des troupes nazies et la collaboration de Vichy, ils veulent « faire quelque chose ». Antoine va participer à la Résistance en Isère, prend contact avec Kioulou, Naime, Dufour, assume des responsabilités au Front National de la Résistance, puis au Comité Militaire Régional à l’Etat Major FTP Isère-Hautes Alpes. Marco mène de front sa tache militante sur son lieu de travail, Merlin Gerin, et son rôle de responsable politique communiste en Isère, participe à la constitution des FTP, en février 44 il en devient, à coté de Polotti responsable politique, le responsable militaire.

Les 14.15 et 16 mai 1944, à  Lyon, à la suite d’une trahison, la quasi-totalité de l’état- major de l’inter région FTP de la Zone sud, sauf  3 membres sont arrêtés par les hommes de  Klaus Barbie. Cela va entrainer des arrestations en cascade.

En Isère aussi, les chefs FTPF se sentant menacés, l'Etat Major a décidé de quitter l'agglomération grenobloise et de prendre le maquis. Le dernier rendez-vous doit se tenir le 17 mai à Fontaine dans le pavillon de la famille Poulet, pour préparer le départ. Un quart d’heure après le début de la réunion, des voitures de la Milice et  de la Gestapo s’arrêtent devant l’immeuble. Au court de l’échange de coups de feu, Polotti est abattu, Lipszyc, blessé, est conduit à l’hôpital militaire de la Tronche, soigné,  puis transféré à l’hôtel Gambetta siège de la Gestapo. Le 21 juillet, au désert de l’Ecureuil à Seyssinet, il est fusillé avec 9 autres résistants. On peut raisonnablement penser que ces arrestations sont liées à la chute de l'Etat major FTP de la Zone Sud même si on ignore toujours comment la Milice et la Police allemande étaient au courant de cette réunion.

 Antoine Polotti, Marco Lipszyc, étrangers, comme Spartaco Fontano, Olga Bancic, Joseph Epstein, Missak Manouchian quelques uns de "l’Affiche rouge", Boris Vildé, Anatole Lewitzky du réseau du musée de l’homme, communistes comme  Huynh Kuong An, Charles Michels, Jean-Pierre Timbaud, Jean Poulmarc'h, Maurice Tenine des 27 de Châteaubriant et tant d’autres, abattus, dans les cours des prisons françaises, dans une clairière, au coin d’une rue, fusillés au Mont Valérien, guillotinées en Allemagne – les résistantes- déportés dans les camps de la mort, ont jusqu’au sacrifice de leur vie, tous, ainsi que le disait Raymond Aubrac, pratiquaient la désobéisance.

Ils ne voulaient pas juste libérer l’Europe du nazisme, du fascisme, ils se battaient pour une société plus égalitaire, plus fraternelle. Le rôle du CNR, la détermination obstinée de son premier Président Jean Moulin ont été capital tant pour l’union de la Résistance, et la victoire finale que pour l’avènement d’une France nouvelle grâce au programme du CNR « les jours heureux ».

Hélas, les acquis issus de ce programme novateur, socle de notre pacte républicain, sont de gouvernement en gouvernement, de décrets en lois, de renonciations en trahison, grignotés, rabotés, ou carrément supprimés.  

La Journée nationale de la Résistance, le 27 mai, maintenant inscrite au calendrier mémoriel officiel, va être célébrée dans de nombreuses communes en Isère, dont Fontaine. L’ANACR, qui s’est battue pendant plus de 20 ans pour cette journée, salue toutes les initiatives prises pour marquer ce jour  de mai 1944 qui changea la face de la Résistance. Ce sera le moment de rappeler le programme du CNR et les choix du gouvernement de l’après libération s’en inspirant pour améliorer en la vie des français.

 Nous constatons avec inquiétude que nombre de nos compatriotes ne semblent plus se reconnaître dans les valeurs de la République. Les idéologies qui ont engendré l’effroyable carnage du 20ème siècle renaissent, le racisme, la xénophobie, le refus des différences se répandent comme les plaies de l’Egypte. Les idées extrêmes- droites, fascistes, pétainistes gangrènent nos sociétés occidentales et de mois en mois, d’élections en élections, de crises en crises, l’Europe s’enfonce dans une fuite en avant, bien loin des espérances nées à la Libération. Des membres du parti bleu marine siègent dans nos collectivités territoriales et même s’ils ont été élus démocratiquement, n’oublions jamais que ce parti, malgré son actuel discours lénifiant, n’a renoncé à aucune de ses dérives nauséabondes, il est définitivement infréquentable et dangereux pour la Démocratie.

La France ne peut qu’être fière d’avoir été, depuis toujours, une terre d’asile sans distinction d’origine, de culture, de religion, de tradition et d’avoir éveillé une fidélité inconditionnelle dans le cœur d’hommes comme Antoine Polotti et Marco Lypszyc. Les Résistants, étaient tous volontaires, ils furent résistants par patriotisme, par idéologie, par espoir dans un monde nouveau, ils furent résistants parce qu’ils croyaient en l’homme, parce qu’ils croyaient à la liberté, à la démocratie, à l’humanisme.

 Le 27 mai prochain, à l’initiative du Président de la République 2 résistants Jean Zay et Pierre Brossolette, 2 femmes Germaine Tillon et Geneviève Anthonioz de Gaulle symboles de la résistance française, vont entrer au panthéon, rejoignant les grandes figures de la France.

 Ce soir, les deux hommes à qui nous rendons hommage,  et  dont nous gardons les noms dans nos cœurs et nos consciences, Antoine Polotti, Marco Lypszyc ont eux aussi toute leur place au Panthéon de la mémoire, au Panthéon de l’histoire, au Panthéon de la France.  En donnant leur vie pour notre pays, leur pays, ils lui ont rendu sa dignité, sa liberté, son honneur.

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